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INTRODUCTION

admira dans cet adolescent théâtral la tension de l’orgueil, le col qui ne plie pas, l’attitude du défi au sort. Saint-Just n’a jamais cédé, il ne s’est jamais plaint, et il est entré énigmatique dans la mort. Je me rends bien compte que sa biographie put agir comme un tonifiant sur cette fille vaillante et malheureuse.

Marie Lenéru appartient à ce groupe, chef-d’œuvre de la culture antique, devant lequel je passe chaque jour en traversant la première salle de la chambre des députés. Je la vois comme un personnage du Laocon. Elle est de cette famille illustre dont chacun des enfants, enserré par le serpent, s’efforce à pleine main de l’éloigner. Comme elle lutte pour sa libre respiration et pour l’agrandissement de son moi ! Sa vie, en vérité, un bel épisode de la bataille que les grandes âmes livrent au destin. Le destin a refusé à Marie Lenéru la parole ; elle se surmonte et d’une insuffisance tire une supériorité. Elle sera la révélatrice qui nous apporte le message de la plus profonde solitude. Il y a dans ses écrits un accent de mélodie héroïque.

Un jour vient toutefois que l’on comprend que Pascal dans sa chambre de malade, Delacroix dans son atelier, Pasteur dans son laboratoire et le soldat de Verdun sont de plus hauts exemplaires d’énergie