Page:Lenoir-Rolland - Poèmes épars, 1916.djvu/27

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
29
GRAZIELLA

1848
Graziella


Mais pourquoi m’entraîner vers ces scènes passées.
Laissez le vent gémir et les flots murmurer ;
Revenez, revenez, ô mes tristes pensées ;
Je veux rêver et non pleurer.

Lamartine.


I

 Elle était belle, elle était douce ;
 Elle s’asseyait sur la mousse
 Au temps où les grands arbres verts
 Laissent leurs feuilles dentelées
 Tomber sur le gazon, mêlées
 Aux pauvres fleurs des champs déserts.
Quinze ans avaient jeté sur son charmant visage
 Cette virginale pâleur
Que la main du désir laisse sur son passage
Ou que la volupté met sur son front rêveur.
 Ses beaux yeux avaient pris la teinte
 Des couleurs dont se trouve empreinte
 La mer au vaste horizon bleu ;
 Sa chevelure épaisse et noire
 S’enroulait sur son cou d’ivoire,
 Chaste de tout baiser de feu.
Ses dents, que laissait voir sa lèvre, carminée,
 Étaient d’un nacre éblouissant ;
Sous le tissu bruni de sa peau satinée