Page:Lenoir-Rolland - Poèmes épars, 1916.djvu/60

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Caledonia
(Imité de Burns)

Ô myrtes embaumés, laissez les autres terres
Nous vanter à l’envi leurs bosquets solitaires
Dont l’été fait jaillir d’enivrantes odeurs.
J’aime mieux ce vallon, frais et riant asile
Où, sur un lit d’argent, coule une onde tranquille
Sous la fougère jaune et les genêts en fleurs.

Plus chère est à mon cœur cette douce retraite !
La blanche marguerite et sa sœur pâquerette
S’y mêlent au bluet à l’aigrette d’azur,
Et c’est là que souvent Jeanne, ma bien-aimée,
Vient écouter l’oiseau, caché sous la ramée,
Jeanne au regard si doux, ma Jeanne au front si pur !

La brise les caresse et le soleil les dore,
Quand notre froide Écosse entend la voix sonore
Des sombres aquilons bondissant sur les flots.
Mais ces lieux enchantés, qui les foule ? l’esclave !
Le bonheur n’est pas fait pour qui porte l’entrave !
Il appartient au maître ! À l’autre les sanglots !

Non ! le noble Écossais ne conçoit nulle envie
De ces biens contestés d’une race assouvie.
Avec un fier dédain, il sait voir tour à tour
Leurs bosquets parfumés, leurs fertiles campagnes.
Libre comme le vent qui court sur ses montagnes
S’il a porté des fers, ce sont ceux de l’amour !

Montréal, 25 janvier, 1859.