Page:Lenoir-Rolland - Poèmes épars, 1916.djvu/68

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— Enfant aux cheveux blonds, ton doux regard m’attire,
Viens, je te donnerai mon palais, mon trésor ;
Ma fille aux yeux d’azur qui t’appelle et soupire,
Pour bercer ton sommeil chantera sur la lyre ;
Elle porte un blanc voile et des vêtements d’or.

— Prends-moi sous ton manteau, la force m’abandonne,
Du roi des aulnes verts n’entends-tu pas la voix ?
Sur son front irrité scintille une couronne :
Un suaire le couvre. Ô père, je frissonne ;
Son rire a réveillé l’écho dormant des bois !

— Regarde au loin trembler une faible lumière,
Une heure, une heure encore, et, sur son cœur joyeux,
Ta mère, qui t’attend, ta bonne et tendre mère,
Te prendra dans ses bras. Vois-tu notre chaumière ?
— Du roi des aulnes verts je vois briller les yeux !

— J’entends le chant du coq ; à sa voix l’aube claire
Déjà blanchit les monts, et le ciel est d’argent ;
Viens, je ne puis tarder, car sous la froide pierre
Il me faut retourner dormir dans mon suaire ;
Viens, partons tous les deux : je t’aime, bel enfant !

— Ah ! j’ai peur ! j’ai bien froid ! Père vois-tu dans l’ombre
Le fantôme passer en me tendant les bras ?
— Je vois les rameaux gris qui s’inclinent sans nombre ;
Sous le vent du matin la nuit devient plus sombre
Devant mes yeux, mon père. — Enfant, ne pleure pas !

— Si tu ne veux venir, de force je t’emporte.
— Hélas ! il me saisit, m’enlace et me fait mal,
Le roi des aulnes verts ! — Oh ! pourquoi de la sorte
Gémir mon petit ange ! Enfin voici la porte
De la maison. Eh ! femme, allume le fanal !