Page:Lenoir-Rolland - Poèmes épars, 1916.djvu/67

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L. Rogier a donné une traduction ou plutôt une imitation du Roi des Aunes.

Inconnu, ne vas pas troubler dans la nuit brune,
Au fond des bois épais, les fantômes errants.
Le vent gémit et pleure, et l’on voit sur la dune,
Pâles, cheveux épars, danser au clair de lune,
Les légères péris aux yeux étincelants !

Ne prête point l’oreille à la plainte inféconde
De l’amoureuse voix qui chante près des flots.
Ces accents désolés ne sont pas de ce monde ;
Sur le lac argenté, la troupe vagabonde
Tournoie et se lamente en lugubres sanglots.

Voyageur, hâte-toi de gagner ta demeure,
De ton ardent cheval presse les flancs poudreux,
Réchauffe dans tes bras ton bel enfant qui pleure.
Le vent froid de la nuit est perfide, et c’est l’heure
Où murmurent tout bas les esprits soucieux.

Le mors est blanc d’écume, et ton coursier rapide
Hennit de crainte. Oh ! fuis ! Une étrange lueur
Approche ; il est trop tard, un fantôme livide
Convoite ton enfant de son regard avide…
— Père, un esprit est là, dans l’ombre. Oh ! j’ai bien peur.

— Ne tremble pas ainsi, mon fils, c’est un nuage
Qui passe sur la lune. — Oh ! le spectre nous suit,
Il me parle tout bas et touche mon visage ;
Père ! je n’entends rien que le flot au rivage,
L’orfraie au cri sinistre, et le vent dans la nuit :