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BOISHARDY

s’y enfoncer ; l’homme tombe. C’est Boishardy. Atteint aux reins, il se relève, tamponne sa cravate sur sa blessure, et, se traînant, gagne du terrain dans la direction de la chapelle où, sans doute, sait-il qu’il trouvera du secours. Mais il se heurte à la ligne des soldats de Coulombeau et se détourne vers La Saignerie et La Ville-Graland ; il y a là un chemin tortueux, le chemin des Champs-Piroués, qui le ramènera à la grand’route ; au delà il sera sauvé. Il s’y engage ; mais ses forces s’épuisent ; on le poursuit. À quatre-vingts pas à peine de la route, devant la brèche du champ de François Verdes, il tombe ; déjà les Bleus sont sur lui ; trois coups de feu à bout portant l’atteignent au flanc ; tirant son épée, le capitaine Ardillos achève le chouan moribond. On le dépouille, on prend son fusil, on fouille les poches d’où on retire deux montres, une bourse, des papiers[1], parmi lesquels la tendre lettre de Joséphine de Kercadio que l’amoureux conservait sur lui :


Est-il possible, mon cher petit époux, que je sois assez malheureuse pour être loin de toi…, de toi qui fais tout mon bonheur…


Puis les soldats s’éloignent, laissant le corps de Boishardy au pied du talus, dans l’herbe foulée et sanglante, sous les premières lueurs de cette aurore de juin, parfumée et joyeuse, — l’aurore qui devait être celle des noces[2]. La fiancée, soutenue et entraî-

  1. Lettre de la Municipalité de Moncontour à celle de Saint-Brieuc, 24 prairial, à six heures du matin. Citée par M. Émile Bernard.
  2. Il serait téméraire de prétendre que ce récit de la mort de Boishardy est, dans toutes ses péripéties, absolument conforme