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LA MIRLITANTOUILLE

de la nuit ; tous trois ignoraient encore le sort de Boishardy ; mais, confiants dans son adresse, ils s’attendaient à le voir avant la fin du jour, ainsi qu’il l’avait promis ; les heures s’écoulaient sans qu’il parût ; l’inquiétude de mademoiselle de Kercadio était grande ; comme la nuit allait tomber, Le Gris-Duval envoya aux nouvelles ; ses émissaires revinrent bientôt : la mort du valeureux chef était déjà connue de toute la contrée. Les jours suivants on apprit l’affreuse profanation de son cadavre : les soldats revenant pour le dépouiller, lui couper la tête, la fichant à la baïonnette d’un fusil, promenant, dès six heures du matin, par les rues de Moncontour ce trophée grimaçant, le posant sur la fenêtre de madame Du Clézieux et l’emportant jusqu’à Lamballe pour le jeter enfin dans un étang voisin de la ville[1]. Et puis on sut que le pauvre corps resta, tronqué et nu, dans le chemin des Champs-Piroués jusqu’au soir ; une paysanne, Madeleine Caro, l’enveloppa alors d’un drap donné par Hervé, des Landelles. Un domestique de la Ville-Gralland, Mathurin Fourchon et Jean Gallais de la ferme de La Saignerie, lui creusèrent une fosse à l’entrée du clos de la Noë qui borde à droite le chemin. Pour la nuit tout était fait ; mais la nuit suivante, François Darcel, de la Bouëderie, assisté de plusieurs amis, ouvrit la fosse, exhuma pieusement le cadavre ; puis montant à cheval, il le chargea devant lui et le maintint entre l’encolure et la selle jusqu’au ci-

  1. L’étang de Launay. Le crâne fut retrouvé, plusieurs années après, quand l’étang fut asséché : on l’inhuma alors dans la chapelle du château de Launay ; plus tard, il fut enterré dans le cimetière de la Corne-en-Maroué, près de Lamballe, où il doit se trouver encore. Émile Bernard, ouvrage cité, p. 412.