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Page:Lenotre - La Mirlitantouille, épisode de la Chouannerie bretonne, 1925.djvu/140

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DUVIQUET

tant en camarades ; même il les employait à bâtir des baraquements assez considérables pour caserner deux cents hommes à portée de Bosseny, dans un site si solitaire et retiré que les constructions s’élevèrent sans que les autorités de Collinée ou de Merdrignac, les villes voisines, en eussent le moindre soupçon.

Avec les Le Gris-Duval vivaient à Bosseny les Kerigant ; madame de Kerigant était la jeune sœur de madame Le Gris, qui l’avait élevée ; son mari, François Garnier de Kerigant, négociant en toiles, — l’antique et prospère industrie du pays, — possédait un manoir de famille dans la paroisse de Bodéo ; mais, depuis les troubles, il vivait le plus souvent avec sa femme chez son beau-frère Le Gris, en ce Bosseny privilégié d’où les espions et les Bleus s’écartaient. La plus fraternelle intimité unissait les deux ménages : on menait, en apparence, l’existence paysanne : Le Gris-Duval s’occupait de son potager, de ses abeilles, de ses plantations ; Kerigant, — d’une force physique renommée qui imposait à tout le pays, — habituellement coiffé d’un bonnet de peau de renard, parcourait la région d’Uzel à Corlay et à Collinée, inspectant ses fileuses et ses tisserands, courant les foires ; sa femme avait, à vingt-trois ans, en 1795, deux enfants.

C’est dans cet aimable intérieur qu’arriva, le 17 juin, dans l’après-midi, mademoiselle de Kercadio[1], avec Hervé Du Lorin et le vieux chouan Villemain. On apprit par eux, à Bosseny, les incidents

  1. On suit, pour ces détails, les souvenirs de G. de Kerigant, fils des hôtes de Bosseny : Les Chouans, épisode des guerres de l’Ouest, Dinan, 1882.