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DUVIQUET

au but : tout près de là commencent les longues avenues de Coëtlogon[1].

L’état-major royaliste est acclamé par les belles dames ; les deux cousines font fête à Tinténiac : il s’informe ; que lui veut-on ? Pourquoi l’a-t-on attiré ? Quels sont les ordres du Roi ? — On répond par des bavardages ; on peut l’avoir dans les Côtes-du-Nord ; la place de Boishardy est vacante[2] ; les Anglais préparent une descente à Saint-Brieuc… ou peut-être à Saint-Malo… Déjà le malheureux a compris qu’il est tombé dans un piège[3] ; il va repartir ; pourtant il consent à dîner ; ses Chouans, campés dans les avenues, ont besoin de quelque répit ; on se met à table : voilà donc la fête espérée et qui sera payée de tant de sang royaliste ! Tandis que les jolies femmes coquettent et s’étourdissent, une grande rumeur monte des avenues : « — Aux armes ! Les Bleus ! Voilà les Bleus ! » Tout de suite la fusillade. Par bonheur, Georges Cadoudal et son fidèle Mercier, n’ayant pas eu de places à la noble table, sont restés au bivouac ; ils enlèvent leurs hommes ; le combat s’engage ; déjà l’ennemi recule ; Tinténiac s’élance, le sabre à la main ; il charge impétueusement les républicains en déroute ; l’un d’eux, embusqué derrière une haie, l’ajuste : Julien Cadou-

  1. Le château de Coëtlogon appartenait, en 1789, à la famille de Carné. Il a été démoli au cours du xixe siècle. B. Jollivet, Les Côtes-du-Nord, V, 391.
  2. M. de La Vieuxville venait d’être nommé au commandement des Côtes-du-Nord, en remplacement de Boishardy ; mais il n’était pas populaire. D’ailleurs, des compétitions lui faisaient la tâche impossible.
  3. « D’après le comte de La Fruglaye, dont la parole a tant de poids, cet épisode romanesque serait une invention révolutionnaire. » Crétineau-Joly, Histoire de la Vendée militaire, édition Drochon, III, 380.