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LA MIRLITANTOUILLE

dal, le frère de Georges[1], l’aperçoit ; il se jette sur l’homme, le bâton levé ; le coup part, le bâton s’abat, le bleu tombe, le crâne ouvert, Tinténiac s’affaisse dans les bras de Julien ; il est frappé à mort, il expire… Un barde chouan a dépeint la scène :


Julien avait son bâton et son chapelet de Sainte Anne ;
Tout percé était son chapeau, et percée sa veste,
Un côté de sa chevelure avait été coupé d’un coup de sabre.

Je cessai de le voir, et puis je le revis ;
Il s’était retiré à l’écart, sous un chêne ;
Il pleurait amèrement, la tête inclinée,
Le pauvre monsieur de Tinténiac en travers sur ses genoux.

Et quand le combat finit, vers le soir,
Les Chouans s’approchèrent, jeunes et vieux ;
Ils ôtaient leurs chapeaux et pensaient ainsi :
— Nous avons la victoire et notre Tinténiac est mort, hélas !


C’est ainsi que finit la fête, par les cris des femmes affolées, par le défilé silencieux des Chouans, torchant de leurs gros poings les larmes qui coulent de leurs yeux, à l’aspect de ce corps étendu sur l’herbe dans l’ombre des vieux arbres. Il doit reposer quelque part, au bord du chemin qui fut l’avenue de Coëtlogon, dans la fosse que lui creusèrent ses chouans et sur laquelle on vit, à la nuit tombante, Georges Cadoudal s’agenouiller[2].

  1. « Brave comme son frère, beau jeune homme roux, Julien était chéri des jeunes filles et portait, sans doute à cause de cela, le surnom de Mamy. » Sageret, Le Morbihan sous le Consulat, I, 185.
  2. Tallien mandait le 20 juillet, au Comité de Salut Public : « J’ai une bonne nouvelle à vous apprendre : l’infâme Tinténiac a trouvé une mort digne de ses crimes. Après avoir porté la désolation dans tout le Morbihan, il s’est fait tuer comme un lâche par un soldat de la division Champeaux que les Chouans ont assassiné