Il fallait un chef à l’Armée rouge ; les nobles émigrés de l’État-major[1] tinrent conseil : il n’est pas invraisemblable que les dames aient été admises à donner leur avis ; il est sûr que l’influence des affidés à l’Agence de Paris prévalut : Pont-Bellenger fut élu. C’était un cadet de Normandie, sans fortune[2], dont toute l’importance provenait de son antique noblesse et son mariage avec cette jolie
- ↑ Les noms déjà cités, plus MM. de Closmadeuc, de Busnel, de Guérin, de Keroulas, etc…
- ↑ Archives administratives de la Guerre, Dossier Bonté.
pour venger leur ex-chevalier… » Crétineau-Joly, Histoire de la Vendée militaire, éd. Drochon, III, 381. Rouget de l’Isle, qui prit part à la campagne de Quiberon, comme officier bleu, écrivait plus tard : « Ainsi périt à la fleur de l’âge le chevalier de Tinténiac, officier de la valeur la plus brillante, d’une audace et d’un sang-froid que rien n’étonnait, modeste, loyal, généreux, plein de ce dévouement à sa cause et de cette franchise d’exaltation qu’on respecte et qu’on aime dans quelque parti qu’ils se rencontrent. »
On n’a pas la prétention de faire ici l’histoire de l’Armée rouge ; cette histoire ne sera probablement jamais écrite, faute de documents précis. Ceux qui ont conté sommairement cet épisode des guerres civiles, Puisaye dans ses Mémoires, M. de Cadoudal dans Georges Cadoudal, Crétineau-Joly dans son Histoire de la Vendée militaire, M. l’abbé Le Falher dans le Royaume de Bignan, M. Lasne dans Le Mystère de Quiberon, ne s’accordent pas sur les dates des différentes étapes de ce corps expéditionnaire à travers le Morbihan et les Côtes-du-Nord. On hésite même, après les avoir lus, sur la date exacte de la mort de Tinténiac : le 15 juillet, le 17, le 18 ? Chassin ne s’attarde pas à ce hors-d’œuvre. La réédition de l’abbé Deniau y fait à peine allusion. Tous, cependant, suivant en cela Louis Blanc, qui fit une étude quelque peu approfondie des Papiers de Puisaye conservés au British Museum, reconnaissent l’intervention de l’agence royale de Paris, hostile à la descente anglaise. Ce serait pour assurer l’insuccès de Quiberon que Tinténiac aurait été, avec son armée, attiré loin du point où sa présence était indispensable ; on a même insinué que la balle qui l’a frappé n’était pas une balle républicaine. C’est aller loin dans les hypothèses ; au vrai, les pièces d’authenticité et de véridicité incontestables font défaut et on n’aperçoit pas même où l’on pourrait les chercher, tant il appert que tous ceux qui furent mêlés aux intrigues de Quiberon ont pris le grand soin de maquiller la vérité pour couvrir d’une excuse leur insouciance, leur incurie ou les lamentables effets de leurs rivalités.