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DUVIQUET

les femmes s’enfuient ; les hommes qui sont là improvisent la défense ; les Bleus chargent à la baïonnette ; pas un coup de fusil n’est tiré[1]. Pont-Bellenger tombe ; l’un de ses officiers, Salomon de Lorgeril, est abattu à ses côtés ; un autre, Charles du Couëdic du Cosquet, percé de coups, est poussé dans un grand feu que les assaillants ont allumé au milieu de la cour. Quinze corps déjà sont étendus[2], sanglants, quand madame Le Gris-Duval paraît, tirant sa jeune sœur par la main : du fourré où elle s’était blottie, elle a vu les flammes du brasier ; elle croit que son château brûle ; elle accourt, intrépide ; interpelle l’officier qui commande cette horde de brutes ; il se trouble, il s’excuse, allègue qu’il n’est pas maître de ses hommes. Il ordonne la retraite, le massacre cesse et, dans la nuit, la troupe reprend le chemin de son cantonnement, avec une vingtaine de chevaux pris dans les écuries de la ferme et chargés de butin. Sur l’un d’eux on place madame Le Gris, sur un autre, mademoiselle Le Texier, sa sœur, sur un troisième, mademoiselle de Kercadio qu’on emmène captives à Loudéac. Quand les Kerigant et Le Gris-Duval rentrèrent le lendemain dans le château dévasté, les gens du pays avaient inhumé les cadavres ; on en comptait treize ; Pont-Bellenger n’était pas mort ; l’ex-commandant de l’Armée rouge fut transporté dans une cache sûre, aux environs de Saint-Méen, dans l’Ille-et-Vilaine où il guérit de ses blessures ; madame Le Gris et sa

  1. Lettre de Le Veneur de La Roche à M. Henri de Busn… (Busnel), 5 août 1795 à 11 heures du soir. Archives des Côtes-du-Nord.
  2. « Cet individu (Lorgeril) avec quatorze autres, a été tué à Bosseny. » Lettre des administrateurs du district de Loudéac à ceux du district de Broons.