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Page:Lenotre - La Mirlitantouille, épisode de la Chouannerie bretonne, 1925.djvu/167

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LA MIRLITANTOUILLE

sœur furent bientôt relaxées[1], malgré l’acharnement des fonctionnaires locaux ; quant à Joséphine de Kercadio, les « patriotes » ne lui pardonnaient pas d’avoir été « la femme à Boishardy » ; elle fut écrouée à la prison de Loudéac, fameuse par sa sordidité : c’était, au milieu de la ville, un fétide et tremblant édifice composé d’une niche pour le geôlier et d’un cachot empuanti dont les miasmes séculaires infectaient tout le voisinage : pendant le jour on y entassait pêle-mêle les détenus des deux sexes ; la nuit, on isolait les femmes dans un réduit à peine abrité[2].

La malheureuse enfant qu’un mauvais sort poursuivait, resta là durant trois semaines, au bout desquelles les Administrateurs du département « considérant qu’elle n’est prévenue d’aucun délit, ni l’objet d’aucune dénonciation, mais qu’elle a cependant suivi le parti connu sous la dénomination

  1. Le récit tracé de cet événement par M. de Kerigant dans son volume Les Chouans est exact sur certains points, mais très fantaisiste sur d’autres : c’est le défaut de toutes les relations, émanassent-elles de témoins oculaires, qui ne sont pas soumises à la critique des documents authentiques. M. de Kerigant, qui n’était pas né, je crois, à l’époque du massacre de Bosseny, l’a certainement bien souvent entendu raconter par ses parents, mais, ainsi qu’il arrive aux plus férus de véracité, leur narration s’amplifiait à mesure que les faits s’estompaient dans leur mémoire. C’est ainsi que, dans Les Chouans, madame de Kerigant se lance à la poursuite des soldats et leur reprend, non seulement ses deux sœurs, mais aussi la plupart des vingt chevaux et une bonne partie du butin. En ce qui concerne les chevaux et le butin, les documents d’archives ne disent mot ; mais quant à madame Le Gris-Duval, elle ne fut pas délivrée par madame de Kerigant ; la troupe rentra sans malencombre à Loudéac. La lettre de Le Veneur, du 5 août, citée plus haut, dit : « Madame Le Gris, sa sœur et Joséphine de Kercadio sont en prison. » La lettre des administrateurs de Broons confirme : « La femme Legris et les autres étant en prison à Loudéac… — Archives des Côtes-du-Nord.
  2. B. Jollivet, Les Côtes-du-Nord, V, 283.