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LA MIRLITANTOUILLE

dramatiques événements fut regardée par beaucoup comme l’épilogue heureux des mauvais jours[1]. Certains moroses estimaient que la fiancée de Boishardy s’était consolée bien vite, et, de fait, quand les nouveaux mariés s’installèrent à Moncontour, rue de la Commune ; quand, aux beaux jours, ils se rendaient à Bréhand, dans cette maison de La Ville-Louët où, si souvent, le légendaire proscrit avait cherché refuge, tout devait harceler leur commune mémoire : le seuil de cette maison du Clézieux où, pour la première fois, les plumes blanches du royaliste avaient frôlé le panache tricolore de Hoche dans l’embrassement des deux soldats ; l’appui de la fenêtre où la tête sanglante avait été posée, et, sur la route, le chemin tragique, le Pont-de-Pierres, le moulin de Rainon, les haies, les bois, les landes étaient hantés d’obsédants souvenirs… Mais un couple d’amoureux qui n’ont pas à deux quarante ans songe-t-il aux fantômes ? Le peu que l’on sait autorise à penser que le tumultueux passé ne fit pas empreinte sur le jeune ménage Hervé Du Lorin. Cela aigrissait les envieux survivants des clubs et des comités de la Terreur de voir ces nobles détestés admis dans le nouvel ordre social. Les hommes qui, comme l’accusateur public Besné, s’étaient révélés trop bruyants démagogues pour oser maintenant se poser en modérés, considéraient avec un dépit hargneux cet avortement de la Révolution. Eh ! quoi ! Saint-Brieuc fourmille de parents d’émigrés dont l’arrogance insulte à la dignité du peuple ! Des prêtres rebelles débitent aux imbéciles leurs mome-

  1. Le mariage civil est inscrit aux registres de la commune de Plœuc à la date du 17 février 1797.