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LA MIRLITANTOUILLE

Peut-être aussi a-t-on peur d’eux et juge-t-on prudent de ne pas les congédier. Et encore il y a les errants qui viennent s’offrir : madame Le Frotter, à Pontivy, ne cesse de faire des enrôlements ; il faut accepter les hommes qu’elle recrute : en décembre 1796 elle en envoie à Le Gris-Duval quatorze bien armés[1] : pauvres hères évadés du bagne de Brest ou des prisons de Vannes ; depuis des mois ils rôdent affamés, de forêts en forêts : vrais loups qu’il vaut mieux tenir à l’attache… Et tel est le contingent de la bande que va commander Duviquet, dit Constant. Il aura pour lieutenants Carfort, Dutertre et Poilvey, trois anciens de Boishardy ; Mairesse, le flamand, restera l’agent de confiance, tantôt domestique, tantôt commissionnaire, espion à l’occasion. Une vingtaine d’hommes, plus ou moins, formera le gros de la troupe ; ils ne sont pas casernés mais répartis dans les hameaux et les métairies de Bosseny, au moulin des Loges, à la Ville-Hermel, à La Seille, à Mégrin, au Mautray, à Damehay : cette dernière ferme est au flanc d’un piton d’où l’on domine au loin le pays et qu’on nomme encore aujourd’hui la Guette en souvenir du poste d’observation qu’y avait établi Le Gris-Duval[2].

Mairesse a laissé une relation, de rédaction très confuse, mais qui ouvre un aperçu saisissant et probablement unique sur l’existence à la fois oisive et mouvementée de ces aventuriers mercenaires qu’étaient les Chouans de la décadence. Ils sont loin les pieux paysans des Cathelineau et des La Rochejaquelin, qui marchaient à l’ennemi en chantant

  1. Le Falher, Le Royaume de Bignan, 535.
  2. Cote 237 de la carte de l’État-major.