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DUVIQUET

dans le déballage de la malle-poste », et qu’elle serait très heureuse s’il lui en procurait une. Mairesse promit et se mit en quête. Trois jours, cinq jours, puis une semaine passèrent sans qu’il revînt : et, tout à coup, — c’était le 17 novembre, — on sut qu’il était pris : les gendarmes l’avaient arrêté à Uzel et conduit à la prison de Saint-Brieuc.

Nouvelle inquiétude, car Mairesse vivait depuis deux ans dans l’intimité des deux familles Le Gris et Kerigant ; il connaissait toutes leurs relations et toutes leurs intrigues : s’il « parlait » pour sauver sa tête, il pouvait révéler bien des choses et compromettre bien des gens. Cela ne manqua pas. À peine sous les verrous, Mairesse fait savoir au capitaine Veingarten[1], commissaire du pouvoir exécutif près le Conseil de guerre, qu’il est disposé, en échange de sa grâce, à éclairer la justice militaire sur l’organisation des Chouans. Le marché conclu, il paie comptant : jamais délateur ne fut plus « consciencieux » et plus prolixe : il dit les noms, les signalements, décrit les costumes, indique les refuges et les caches, relate les exécutions, les vols auxquels il a pris part, le pillage de la malle-poste, et tout cela pêle-mêle, passant d’un sujet à l’autre, craignant de ne pas assez trahir ceux qu’il a servis, revenant sur d’infimes détails pour bien montrer qu’il sait tout, fatiguant les greffiers qui se relaient à consigner ses dénonciations dont une seule, la première, remplit cinquante-huit pages in-folio, — de quoi envoyer à l’échafaud ou au bagne plus de cent personnes, ouvriers, gentilshommes, paysans, émigrés,

  1. Capitaine au 1er bataillon de la 13e demi-brigade.