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LA MIRLITANTOUILLE

tre le ci-devant à la prison. Cousin, l’autre sentinelle, s’est approché ; dans l’ombre il dévisage le sergent et, se penchant vers son camarade, lui glisse à l’oreille : — « C’est Duviquet. » Faut-il donner l’alarme ? Non, les Chouans doivent être en force et le reste de la bande, sûrement, n’est pas loin. D’ailleurs la garde de la prison n’a pas de cartouches[1].

Les deux gardes nationaux ne se trompent pas : le gros de la fausse patrouille se tient à petite distance « dans le creux de la Fontaine au Loup », au bout du ravin où coule le Gouëdic, guettant pour se ruer sur la prison le signal convenu annonçant que la porte est ouverte. Or, elle ne s’ouvrira pas. Au reste, à l’attitude subitement figée des deux sentinelles, Duviquet comprend qu’il est reconnu. Jouant son personnage, grommelant contre les ordres incohérents et les geôliers timorés, il commande demi-tour, emmène ses troupiers et son prisonnier dans la direction de Saint-Guillaume, comme s’il gagnait le centre de la ville. Sous les tilleuls de la promenade il oblique vers la route de Rennes, rallie sa réserve et toute la bande, repassant le pont du Gouëdic, se fond bientôt dans les chemins couverts. Dès qu’on fut en sécurité on délia les mains de « l’émigré » : c’était Carfort qui avait assumé ce rôle ingrat[2].

L’affaire était manquée. Sans la méfiance du portier le succès eût été certain ; car Duviquet avait

  1. Archives nationales, F7 36693.
  2. D’après les déclarations d’un Chouan nommé Pièche, arrêté l’année suivante, ce serait lui, Pièche, qui aurait figuré le prisonnier. Archives de la Guerre, Armée d’Angleterre, mai 1799.