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DUVIQUET

tout prévu et même pris le soin d’éloigner par de faux avis les petites garnisons dont l’intervention aurait pu contrarier son projet : ainsi, celle de Saint-Brieuc, sur la fallacieuse annonce d’un débarquement d’émigrés, explorait, cette nuit-là, les côtes[1], et le commandant de Loudéac venait de recevoir une lettre anonyme dénonçant que, le 17 juin, un important conciliabule de chefs royalistes devait se tenir à la Mirlitantouille. S’étant assuré par ce stratagème des points où se porteraient les troupes, Duviquet avait ainsi déblayé le chemin du retour, afin d’épargner toute cause d’alarme à la femme qu’il aimait et qu’il avait espéré rendre à la liberté. Aussi va-t-il, remâchant son dépit, ulcéré de son échec et méditant déjà quelque tragique revanche. Jusqu’au petit jour il traîne sa troupe dans les sentiers raboteux semblables à des tunnels de verdure ; ses hommes, que l’insuccès déprime, réclament du repos ; lui-même est excédé. À Hénon, — cinq lieues de Saint-Brieuc, — on fait halte, dans le cimetière : il est six heures du matin[2] ; tandis que leurs faux grenadiers dorment, Duviquet, Carfort et Mercier ressassent leur déception. Vont-ils rentrer au Morbihan sans avoir abattu un Bleu ? Duviquet surtout, dont la colère s’aigrit à mesure que l’enfièvre la fatigue, ne supporte pas le ridicule de son expédition avortée : il a battu en retraite devant un portier de prison ! Soudain il se rappelle qu’on est au 17 juin ; ce jour-là il a fourvoyé vers la Mirlitantouille la garnison de Loudéac, afin d’a-

  1. « Duviquet avait « égaré la garnison par d’habiles mouvements ». Le Falher, Le Royaume de Bignan, p. 564, note i.
  2. Archives nationales, F7 36692.