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LA MIRLITANTOUILLE

lier, trop souvent molesté par les Bleus, avait « le cerveau dérangé » ; sa nièce tenait l’auberge ; elle eut vite discerné que les deux voyageurs étaient des proscrits ; elle les engagea à rester dans le pays ; le bourg, ainsi que la Bretagne entière, disait-elle, « tenait pour les royalistes » ; elle envoya les chevaux dans un endroit sûr ; elle conseilla à ses hôtes d’alléger leur équipement de tout vestige d’élégance et, par excès de prudence, elle leur procura un abri, plus isolé que son auberge, « à deux lieues de là, chez des métayers bien pensants ».

Ce répit ne fut pas pour Puisaye du temps perdu. Il put se procurer les gazettes ; Le Roy, terré aux environs, lui communiquait les nouvelles. Le vaincu de Pacy-sur-Eure apprit à connaître la Bretagne ; il sut que beaucoup de « bons prêtres » vivaient cachés à proximité de leur paroisse ; il se mit en rapport avec quelques-uns de ces ecclésiastiques, et connut ainsi que, dans la région de Fougères et de Vitré, un grand nombre de paysans, irrités par la persécution religieuse, étaient en insurrection et reconnaissaient comme chef un enfant de dix-sept ans, Piquet du Boisguy[1]. Puisaye partit, emmenant Le Roy et Focard. Parvenu sans malencombre aux confins du Maine, comme il traversait la forêt du Pertre, il découvrit, dans un épais taillis, une cabane abandonnée, ayant probablement servi d’abri à des prêtres traqués et il s’y logea avec ses compagnons. On se trouvait là, à l’écart de tout endroit habité ; le bourg du Pertre était distant

  1. Puisaye écrit : de quatorze ans. Aimé du Boisguy était né le 15 mars 1776. (Un chouan : le général du Boisguy, par M. le vicomte du Breil de Pontbriand.)