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BOISHARDY

d’une longue lieue ; mais en explorant la forêt, Puisaye constata qu’elle servait de refuge à un certain nombre de malheureux, réduits, comme lui, à vivre cachés. Il lia connaissance avec deux de ces robinsons, deux frères nommés de Legge, l’un ci-devant capitaine au régiment de Brie, l’autre prêtre réfractaire[1]. Ils contèrent comment, depuis plus de deux ans, un gentilhomme campagnard des environs d’Antrain, le marquis de la Rouerie, fort de l’approbation des princes émigrés, frères de Louis XVI, avait organisé une vaste conjuration dont les ramifications s’étendaient sur toute la Bretagne. Très ardent, très autoritaire, très aimé des paysans, la Rouerie s’était appliqué à choisir dans chaque paroisse un chef influent et résolu portant le titre de « capitaine ». Les chefs de cantons étaient « majors », les chefs de districts « colonels », les commandants d’un département « maréchaux de camp ». Ainsi s’étaient constitués les cadres d’une nombreuse armée recrutée parmi tous ceux, hobereaux ou villageois, qu’indignaient les nouveautés sacrilèges émanées des assemblées révolutionnaires. Le château de la Rouerie, transformé en arsenal, fournissait des fusils, de la poudre et même des canons ; pour communiquer avec ses partisans, le marquis avait établi des « lignes de correspondance » sillonnant tout le pays, depuis les côtes de Saint-Malo jusqu’au fond du Morbihan et assurant à ses émissaires, presque en chaque village, un abri et des affiliés accueillants. Le soulèvement

  1. Rapports du général Rossignol. Archives du Ministère des Affaires étrangères, France 1411, cité par Chassin, Vendée patriote, III, 462.