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I


Un vieux et sordide bâtiment quadrangulaire, murs lézardés, planchers pourris, encadrant une cour intérieure autour de laquelle s’étend, à la hauteur du premier étage, un balcon servant de dégagement, — telle est la prison de Saint-Brieuc en l’an VI de la République. Quarante détenus n’y tiendraient pas à l’aise : on en a encaqué près de trois cents, voleurs, prêtres, femmes, chouans, déserteurs, nobles, paysans, inculpés, condamnés, ou simples suspects, qui vivent là, pêle-mêle, dans une promiscuité sans répit. Sauf en cas de mise au secret dans un réduit particulier, tout cela grouille, mange, circule, complote, s’espionne et se moucharde, sans l’ombre de discipline ou de règlement autre que le caprice du geôlier-concierge Pierre Peyrode, sorte de dompteur menant son monde à la trique et prenant par la faim les insoumis.

Peyrode n’a de sympathies ou d’aversions ni pour les Bleus ni pour les Chouans ; nulle opinion politique ; il administre sa prison comme une gargote ; on y est traité selon la dépense. Le commissaire du Directoire considère ce geôlier comme un être « pro-