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LA MIRLITANTOUILLE

fondément immoral » et dont « tous les principes sont viciés » ; l’Administration du Département réclame même sa destitution, sans l’obtenir ; car Peyrode est une puissance ; d’ailleurs « fonctionnaire infiniment précieux » ; comme il a taxé tous ses pensionnaires, il veille de près à ce qu’aucun d’eux ne s’évade ; « il n’est pas de nuit où il ne se lève deux ou trois fois pour faire sa ronde : son dieu est l’argent ; l’ennemi de la Révolution, l’homme riche, sont par lui fêtés, flattés, pourvus… La fortune brillante qu’il a su se faire est une garantie de sa gestion[1]. »

Le châtelain de Bosseny et ses complices furent, comme on s’en doute, bien accueillis par le rapace Peyrode : il les savait copieusement fournis d’argent et leur entrée dans son domaine lui ouvrait de grasses perspectives. Le Gris-Duval surtout, dont le tour d’esprit narquois assaisonnait les situations les plus tragiques d’un revirement de comédie, devint vite, grâce à ses largesses, le roi de la prison ; il voyait et traitait journellement ses amis du dehors ; plus la tablée comptait de couverts, plus le concierge se déridait, de sorte que Le Gris incarcéré était mieux tenu au courant de ce qu’il lui importait de connaître qu’au temps où il habitait son lointain château du Mené. D’autant plus que Peyrode, redoutant de perdre un locataire si généreux, le mettait en garde contre les obséquiosités louches et les curiosités indiscrètes ; il lui signalait les bavards dont il fallait se méfier. Et ils pullulaient les bavards ! On imagine mal le nombre d’inculpés, dépourvus

  1. Le commissaire du Directoire Pouhaër au ministre de la Police, 6 ventôse, III. (Archives nationales, F7 6147.)