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Page:Lenotre - La Mirlitantouille, épisode de la Chouannerie bretonne, 1925.djvu/239

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LA MIRLITANTOUILLE

tration, conduisait lui-même les enquêtes et suscitait les délateurs. Grâce aux dénonciations de Mairesse, il réussit, comme on l’a vu, à prendre au piège les Le Gris-Duval, les Du Lorin, les Kerigant et une cinquantaine de leurs partisans. Maintenant qu’on les tenait il fallait instruire le formidable procès, établir l’accusation sur des faits avérés, labeur ardu, car les témoins se dérobaient avec une prudente unanimité, nul n’ignorant que Carfort et Dutertre, les plus actifs lieutenants de Duviquet, tenaient encore la campagne ; on assurait même que, de sa prison, Le Gris-Duval dirigeait leurs opérations[1] et la peur de ses ressentiments fermait les bouches. Il fallait donc recourir aux mouchards : Mairesse était démonétisé ; on avait même dû l’éloigner de la maison d’arrêt pour le soustraire à la vengeance de ses anciens amis. Palasne-Champeaux mit à sa place un autre espion, Joseph Giraudeau, déserteur du 10e bataillon du Var[2] : pour gagner sa grâce, Giraudeau accepta la besogne.

D’ailleurs, chez certains inculpés se manifestaient des velléités de confidences. L’accord ne régnait pas entre les coaccusés : soit que la prison eût aigri les cœurs, soit qu’on fût divisé par quelque grief dont il n’est pas possible de discerner l’origine, deux camps s’étaient formés dans cette société naguère si unie, le camp des Le Gris-Duval et des Kerigant

  1. « Le concierge de la maison d’arrêt de Saint-Brieuc était très lié avec Le Gris-Duval. Celui-ci l’avait gagné par ses largesses… de sorte que, de sa prison, il concertait encore avec ses complices les pillages et les assassinats. » Note sans date. Archives nationales, F7 6147.
  2. Il avait vingt-quatre ans et était originaire de Mauzé, Deux-Sèvres. Archives nationales, F7 6147.