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LA NUIT DU 4 BRUMAIRE

récit de ses malheurs imaginaires les plus compromis des détenus, lesquels, en effet, se montraient avec lui d’autant plus loquaces, que le concierge Peyrode, peu désireux que l’enquête aboutît, mettait ses pensionnaires en garde contre le double jeu du nouveau venu[1]. En sorte qu’on le gavait des confidences les plus extravagantes qu’il absorbait pour les resservir au président du Conseil de guerre : tantôt, à l’entendre, circulait dans la prison une fiole d’opium destinée à endormir Peyrode et toute sa famille, afin de faciliter l’évasion en masse des prisonniers ; tantôt c’était l’entrée imminente, dans Saint-Brieuc, d’une armée de brigands qui s’emparerait de tous les services publics et mettrait à mal les patriotes ; quarante-cinq barils de poudre étaient mis en réserve, aux environs de Moncontour, en vue de ce coup de force ; — une autre fois tous les détenus allaient s’habiller en femmes et profiter de ce déguisement pour sortir en masse de la geôle ; — ou bien encore il annonçait « le soulèvement de cinquante-quatre départements, un jour de marché » ; et Giraudeau se faisait fort de « sauver la République », se vantant de « tenir les fils de cette formidable insurrection » et de « purger la Bretagne, la Normandie et les provinces du Midi de tous les ennemis du gouvernement[2] ». Ainsi se distrayait-on à persifler Palasne-Champeaux par l’intermédiaire de son mouchard attitré, manigance vaudevillesque qui paraît être imaginée par Le Gris-Duval. Celui-ci, superbe de calme, de dédain pour ces basses intrigues, observe, recueille, note tout

  1. Archives nationales, F7 6147.
  2. Déclaration de Giraudeau. Archives nationales, F7 6147.