et proteste contre ces indignes procédés de justice. Du ton de goguenarderie qui lui est habituel, il s’adresse au général Michaud, commandant la division militaire : c’est à ce chef estimé « qu’il veut devoir l’obligation de chérir une République que l’on cherche en vain à lui faire haïr contre le vœu de son cœur, de ses soumissions et de ses serments… » N’a-t-il pas, depuis deux ans, déposé les armes ? Quand donc a-t-il trahi cette promesse solennelle ? Qui l’accuse ? Un misérable bandit auquel on a promis la vie pour qu’il dresse le réquisitoire ! Le président Champeaux s’est acharné contre les inculpés : il veut « s’en tirer avec une sorte d’honneur et trouver partout des coupables » ; bref Le Gris-Duval récuse, pour partialité manifeste, la compétence du Conseil de guerre, dont le président, d’ailleurs, n’a pas trente ans, âge requis par l’article 209 de la Constitution[1]…
Palasne-Champeaux en perdait la tête, car si les nombreux amis de Le Gris-Duval se plaisaient à le considérer comme un Fouquier-Tinville, les purs jacobins de Saint-Brieuc l’accusaient, au contraire, de pactiser avec les brigands et de mener son enquête de façon à sauver les plus avérés criminels. Le farouche ergoteur Besné le dénonçait pour ce crime au ministre de la justice : il voyait avec dépit cette cause célèbre lui échapper ; il estimait sienne cette affaire à sensation où allait figurer la Kercadio dont il avait été le premier à signaler les forfaits. Quel beau panier de têtes il eut procuré au bourreau s’il
- ↑ Les détenus de la maison d’arrêt de Saint-Brieuc au citoyen Michaud, général en chef de la 13e division. Archives nationales, F7 36691