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LA MIRLITANTOUILLE

enfin, et, déjà, on présage une hécatombe. Le 13, à quatre heures et demie du matin, la diligence de Paris à Brest est arrêtée à une lieue de Saint-Brieuc[1] par neuf ou dix chouans « revêtus de l’habit national ». L’homme qui les commande, — Carfort, toujours…[2], — porte les épaulettes de chef de division. En apercevant les brigands, le postillon prend le galop ; fusillade : deux chevaux sont blessés ; les chouans s’élancent et exigent du conducteur la livraison d’un colis « qu’ils désignent par son numéro[3] » : c’est un baril contenant 22.000 livres en numéraire appartenant à la République. Ils chargent l’un des chevaux du précieux colis, saluent les voyageurs et disparaissent avec le butin. Pour cette nuit-là, l’un des condamnés à la déportation, Villemain, avait obtenu du concierge Peyrode l’autorisation de « découcher », et l’on présuma qu’il était allé, pour se dégourdir, prendre sa part à l’attaque de la voiture. Quant à Le Gris-Duval, il se gardait bien de quitter la prison, où il vivait « entouré d’une cour de partisans[4] ». Nullement déprimé par sa captivité, d’ailleurs plantureuse, il montrait cette mine intimement amusée des gens d’esprit qui méditent une plaisanterie de haut goût. De quoi ses fidèles s’étonnaient, car Besné n’était pas homme à se laisser berner. « Le pauvre M. Le Gris » ne s’en tirerait point, cette fois, par un tour d’adresse, et l’on prévoyait que sa seule tête ne satisferait pas la

  1. L’attaque eut lieu « près de la montagne Saint-Barthélemy » entre Saint-Brieuc et Chatelaudren. Archives nationales, F7 36692.
  2. « Le scélérat Carfort paraît avoir été le commandant de ce pillage. » Archives nationales, F7 36692.
  3. Archives nationales, F7 6147.
  4. Archives nationales, F7 6147.