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LA NUIT DU 4 BRUMAIRE

haine de l’intraitable accusateur public : combien d’autres allaient tomber avec elle !

Besné dut recevoir le dossier de l’affaire dans la matinée du 18 octobre : le jour même il rendait une ordonnance longuement motivée et concluant à la mise en liberté immédiate et définitive de tous les inculpés, reconnus par lui parfaitement innocents ! L’ordre fut sans délai transmis au concierge Peyrode qui, navré, dut ouvrir ses portes aux plus profitables de ses pensionnaires. Pour qu’un coup de théâtre produise son plein effet, il est indispensable qu’il soit quelque peu préparé : celui-ci, trop imprévu, ne trouva d’abord que des sceptiques : ce fut, par toute la ville, un mouvement général d’incrédulité ; puis, le bruit s’affirmant, et comme, le soir-même, un grand dîner improvisé par madame Le Gris-Duval, réunit, dans sa maison de la rue des Bouchers, la plupart des libérés, on se rendit, non sans peine, à l’évidence[1]. Mais on attendait avec une curiosité avide l’explication de cette étourdissante péripétie : on l’eut, dès le lendemain, car les autorités judiciaires et départementales passèrent la nuit à enquêter : ce qu’elles apprirent frappa de stupeur les républicains et désopila leurs adversaires : Besné, l’intègre Besné, s’était vendu ! Adroitement pressenti par madame Le Gris-Duval, il avait évalué sa conscience de bon magistrat, ses convictions démocratiques, sa probité de patriote, — tout compris, — à mille louis, — 24.000 francs en numéraire, une

  1. « Il est de notoriété publique qu’il s’est donné dans cette commune en réjouissance de cette liberté, une grande fête où beaucoup de Chouans ont figuré. » Minute, sans date. Archives nationales, F7 6147.