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Page:Lenotre - La Mirlitantouille, épisode de la Chouannerie bretonne, 1925.djvu/269

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LA MIRLITANTOUILLE

hasard », à Saint-Brieuc le jour où madame Le Frotter comparaissait devant les juges militaires. Ayant assisté à l’interrogatoire de l’accusée, il était sorti de l’audience « tellement pénétré de son innocence » qu’il avait aussitôt sollicité l’honneur de défendre sa cause en appel. Théophile Laënnec, ex-président du tribunal criminel du Finistère, peu suspect, par conséquent, de tendresse pour les royalistes, était de ces hommes dont tous les partis vénèrent la droiture. Par malheur, avant que sa requête fût admise, le tribunal de révision, faisant hâte, rendait son arrêt ; la sentence de mort était définitivement confirmée.

Laënnec conseille à madame Le Frotter de se déclarer enceinte ; ce faux prétexte assure à la condamnée un sursis de trois mois. Mettant à profit ce délai, il adresse au ministre de la justice un exposé du procès et réclame « amnistie en attendant justification ». — « La citoyenne Le Frotter n’a pu obtenir ni à Saint-Brieuc, ni à Rennes, la latitude nécessaire à sa défense. Sur trente et un témoins requis par l’instruction, deux seulement, deux faux témoins, reconnus faux par le Conseil de guerre, ont chargé l’accusée : l’un, déserteur, — c’est Giraudeau, — a voulu racheter sa vie par celle d’une femme ; l’autre, — un concussionnaire, — a fait le commerce des poudres appartenant à la République. C’est dans les dépositions de ces hommes dégradés que les juges d’une mère de famille ont puisé ce qu’ils nomment « leur intime conviction[1] » ! » Il observe que l’inculpée n’a pas été défendue, « le dérangement des courriers de la poste ayant empêché

  1. Laënnec au ministre de la Justice, 10 fructidor, VII. Archives nationales, BB18 253.