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LA MIRLITANTOUILLE

Ceux qui, tirés de leur lit par le vacarme des détonations, montrèrent leur tête à la fenêtre pour savoir ce qui se passait, se recouchèrent bien vite sous la menace des coups de fusil. Point de rumeurs, point de panique, point même de curiosité : à force de vivre dans l’insolite, ils avaient acquis une résignation à toutes les épreuves ; peut-être, sentant leur ville au pouvoir des royalistes, ne prenaient-ils pas au tragique un événement qu’ils espéraient favorable ou, tout au moins, décisif. Ceci, d’ailleurs, n’expliquerait pas certains faits dont la singularité atteint au comique : dans la journée était arrivé à Saint-Brieuc le général Casabianca ; nommé, le 20, au commandement de la subdivision des Côtes-du-Nord, il s’était empressé de rejoindre son poste ; cette nuit du 26 au 27 était la première que ce vieux soldat corse[1], incontestablement brave, passait sous le ciel de Bretagne. Était-il fatigué du voyage ? Estima-t-il qu’un démêlé entre concitoyens opposés d’opinion échappait à ses attributions ? Ce qui est sûr, c’est que, ni la fusillade, ni les cris de Vive le Roi ! ne parvinrent à l’émouvoir. Il ne sortit pas de ses draps. Un poste d’honneur montait la garde à sa porte : il ne paraît pas qu’il fut désarmé ni que nul, parmi les chefs chouans, s’inquiétât de ce général dont le sommeil était si dur. Quand, le lendemain, on s’étonnera de l’inaction de Casabianca, il objectera simplement que, ne connaissant pas la ville, il n’aurait su où tourner… Les Briochins en riaient encore quarante ans plus tard.

Quelques fonctionnaires montrèrent plus de déci-

  1. Il avait soixante et un ans en 1799.