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LA NUIT DU 4 BRUMAIRE

d’affût. Mêlés à cette longue file de fantassins et de cavaliers, marchent les prisonniers tirés de la maison d’arrêt, très inquiets du sort qui leur est réservé ; n’a-t-on point parlé déjà de les fusiller pour n’avoir pas à les nourrir[1] ? Sans doute, à la première étape, va-t-on se débarrasser d’eux. Les Chouans eux-mêmes ne sont guère plus satisfaits : si les Morbihannais de Mercier La Vendée, à peu près disciplinés, ne murmurent pas, les hommes de Carfort et de Dujardin, plus raisonneurs, déplorent le piètre résultat de l’expédition : on n’emporte même pas la caisse du receveur des Contributions qu’on devait rafler, le coup « ayant manqué par la faute de celui qui en était chargé ; il s’est enivré et a oublié d’exécuter sa consigne[2] ». Aussi les mécontents parlent-ils d’aller à Quintin prendre de l’argent, ou de retourner à Saint-Brieuc « pour y enlever quelques patriotes incorrigibles et d’autres sujets pareils[3] ».

Parvenue à la hauteur de Ploufragan, la cohorte s’engagea dans les chemins couverts qui mènent vers Saint-Carreuc, affreuses traverses défoncées, tout en ornières et en fondrières, à peine praticables aux piétons et aux cavaliers[4]. On fit « des marches et des contremarches pour tromper l’ennemi[5] ». Vers midi, on atteignit le hameau de La Saudraie ;

  1. Une citoyenne Poulain déposa « qu’un instant avant la sortie de la ville, elle avait entendu un nommé Dubois (?) qui paraissait être un chef, ordonner de mettre tous les prisonniers sur deux rangs pour les fusiller ». Un certain Tréborel, tanneur, rapporta un propos semblable.
  2. É. Sageret, Le Morbihan sous le Consulat, I, p. 321.
  3. Habasque, II, p. 79, note.
  4. Kerigant, Les Chouans, p. 122.
  5. Déclarations de Liot, militaire à la 32e demi-brigade, de Louis Deshayes, de Jacques Godéart, etc.