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LA NUIT DU 4 BRUMAIRE

Le combat finissait  ; les Bleus s’étaient emparés du canon qu’ils retournèrent contre les Chouans, et ce fut pour ceux-ci le signal du sauve-qui-peut. Ils se dispersèrent dans la forêt. Maîtres du château, les républicains s’y cantonnèrent, renonçant à poursuivre les vaincus. Le bon vin des caves les aida à fêter leur victoire et éteignit leur ardeur belliqueuse. Vers le soir ils reprirent le chemin de Saint-Brieuc, ramenant en triomphe la pièce de canon reconquise[1]. Onze des leurs étaient blessés ; mais ils n’avaient pas perdu un homme, et quand le crépuscule enveloppa le château et les grands bois de l’Hermitage retombés à leur silencieuse solennité, douze corps de femmes ou de Chouans faisaient, dans ce grand décor, de petites taches sombres,

    dit-on, dans une cavité qui existe encore dans le terrain… par une singulière fatalité, le fils de la dame Le Frotter, qui avait fait opérer l’évasion de Saint-Brieuc pour délivrer sa mère, trouva aussi la mort dans cette rencontre. » — La version de Kerigant (Les Chouans, p. 127) est différente : — « Madame Le Frotter, écrit-il, fut frappée de plusieurs balles au moment où le second de ses fils (Honorat), lui aidait à monter à cheval. Elle fut tuée sur le coup. » D’après ce mémorialiste, Étienne Le Frotter aurait péri la veille, « massacré dans une prairie dépendant du Vau-meno, entre cette propriété et Monbareil », c’est-à-dire à un quart de lieue à peine de Saint-Brieuc, au nord de la ville, non loin du ravin du Gouët, dans un endroit où la présence d’Étienne Le Frotter ne peut s’expliquer et où les Chouans ne parurent pas, leur action s’étant uniquement portée sur les quartiers du sud et du centre. Il est vrai que, dans le placard imprimé par la municipalité, on lit : — « à deux portées de fusil de la ville, on trouva huit Chouans morts » ; mais il n’est point probable qu’Étienne Le Frotter fut de ceux-là. Pourtant, il resta un doute : le commissaire du Directoire, Denoual, relatant le combat de l’Hermitage, écrit : — « Nous sommes à peu près sûrs de la mort de trois chefs : Le Frotter, de Pontivy ; Dubois, de Ploërmel et Menguy, de Corlay. » Si le premier avait été tué à Saint-Brieuc même, il eût été identifié, car il y avait des parents, entre autres « le citoyen Le Frotter, timbreur au bureau de la Direction du Département, père d’une nombreuse famille ». Archives nationales, F1b II, Côtes-du-Nord, I.

  1. Habasque, II, p. 81, et note 2.