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Page:Lenotre - La Mirlitantouille, épisode de la Chouannerie bretonne, 1925.djvu/307

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LA MIRLITANTOUILLE

éparses sur les longs tapis d’herbe de l’esplanade. On les inhuma sous quelque bouquet de vieux arbres ; ainsi furent enfouis dans des tombes maintenant ignorées et pour toujours anonymes la mère et le fils dont les tragiques destinées semblent résumer l’aveuglement tenace, le loyalisme farouche et l’inutile héroïsme des défenseurs du vieux monde, sacrifiant leur vie pour une cause perdue. — Inutile ? Oserait-on l’affirmer ? Ne fallait-il pas beaucoup de sang pour cimenter l’édifice qu’élevaient des mains invisibles et qui, encore caché par les embruns de l’ouragan, montait mystérieusement sur les ruines du passé détruit ? Un Breton illustre qui, jeune, avait pris part à ces luttes fratricides, écrivait cinquante ans plus tard : — « France du xixe siècle, apprenez à estimer cette vieille France qui vous valait. Vous deviendrez vieille à votre tour et l’on vous accusera, comme on nous accusait, de tenir à des idées surannées. Ce sont vos pères que vous avez vaincus ; ne les reniez pas ; vous êtes de leur sang. S’ils n’eussent été généreusement fidèles aux antiques mœurs, vous n’auriez pas puisé dans cette fidélité native l’énergie qui a fait votre gloire[1]… »


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Trois semaines après l’émouvante alerte de la nuit du 4 brumaire, Saint-Brieuc apprit l’étonnante nouvelle de la démission du gouvernement Directorial et l’instauration d’un régime inédit, le Consulat. Le jeune Bonaparte avait étranglé la Répu-

  1. Chateaubriand, Mémoires d’Outre-Tombe, édition Biré, II, p. 61-62.