Page:Lenotre - La Mirlitantouille, épisode de la Chouannerie bretonne, 1925.djvu/73

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
61
BOISHARDY

ceinturon, jette son sabre et les deux jeunes gens désarmés vont l’un vers l’autre[1].

Le premier mot de Boishardy est pour déplorer le conflit qui divise les Français « et les oblige à s’entretuer »… Humbert répond que « sa démarche a pour but de ramener des compatriotes fourvoyés ; il vient à eux, les bras ouverts : repousseront-ils ses avances ? » Également émus, ils se considèrent : pour la première fois, depuis vingt mois, un bleu et un chouan se trouvent face à face ailleurs que dans l’acharnement du combat et déjà les voilà séduits tous les deux : même âge, même bravoure, même amour de la France, — et si différents pourtant. Le contraste de leur origine et de leur éducation ajoute encore à l’étonnement de leur sympathie subite : l’un, fruste de ton et de manières, habitué au tutoiement démocratique, ravalant de son mieux le mot citoyen qui lui monte aux lèvres à chaque réplique, et s’efforçant, par savoir-vivre, de ne jamais répondre sans un solennel Monsieurre Boyarredy[2] ; l’autre distingué, naturellement protocolaire, disant Général, et poliment inattentif aux pataquès de son interlocuteur. D’ailleurs tous deux soldats dans l’âme, ne parlent-ils pas la même langue ? La causerie, tout de suite, est familière, sans réticences ; Humbert s’informe : — « Combien avez-vous d’hommes ? — Aujourd’hui quatre cents, demain dix mille. — Parmi eux, beaucoup d’émigrés ? — Les émigrés ?

  1. On a parlé d’une escorte de cinquante Chouans que Boishardy aurait amenés et qu’il renvoya aussitôt en voyant Humbert se présenter, accompagné d’un seul aide de camp. Les documents ne disent rien de tel.
  2. C’est ainsi qu’Humbert écrivait le nom de Boishardy. Puisaye, Mémoires, IV, 348-349.