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LA MIRLITANTOUILLE

Il y en a dans les deux camps : les fonctionnaires de tous rangs, les spéculateurs enrichis par l’acquisition de biens nationaux, les « patauds » qui, par peur ou fanatisme, se sont compromis dans la Terreur récente et répugnent à l’apaisement, prélude certain d’imminentes représailles. Les royalistes, particulièrement ceux qui, au cours de la chouannerie, ont conquis un grade, purement nominal, qu’on ne leur a pas marchandé ; ceux aussi que la révolution a spoliés, ne renonceront pas à la lutte, si désintéressés soient-ils, avant d’être assurés d’un dédommagement proportionné à leurs sacrifices. C’est pourquoi Cormatin dépense en pure perte son éloquence. Que vient-il prêcher la paix cet homme qui n’a rien perdu et qu’on n’a vu combattre nulle part ? En vain pour se parer d’un opportun vernis de chouannerie, s’est-il affublé de deux surnoms, à la manière des batteurs de landes : le premier est Théobald ; le second Obéissant, sobriquet mal justifié, car tandis que de l’autre côté du Détroit, Puisaye prépare la guerre à outrance, arme des flottes, enrôle des régiments, embarque des équipements, des boulets, des canons, de la poudre, des balles et des fusils par milliers, lui, Cormatin, contremine ce chef qu’il remplace temporairement et s’érige en missionnaire de concorde et de réconciliation.

Au nombre des démocrates farouches qu’inquiètent ces tentatives d’apaisement, compte Besné, l’accusateur public du tribunal criminel des Côtes-du-Nord. Il suit les événements avec une tristesse indignée : la Convention, à son avis, se déconsidère : n’a-t-elle point pardonné aux brigands ? Ne va-