Page:Lenotre - Robespierre et la « Mère de Dieu », 1926.djvu/104

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en tuant un des membres de la Convention[1] ». Jusque dans l’entourage du sceptique Vadier, le mysticisme opère des ravages : Amar, le farouche Amar, l’énigmatique dominateur du Comité de sûreté générale, Amar est swedenborgiste, tandis que son collègue Voulland, associé par ses fonctions mêmes aux mesures les plus rigoureuses contre les prêtres catholiques, suit dévotement leurs cérémonies religieuses et, s’il faut en croire un contemporain, court les caves et les greniers de Paris, afin d’assister pour son compte aux offices clandestins des insermentés[2]. Et le secrétaire de Héron lui-même, Pillé, – un pauvre hère timide, sourd et ahuri, – que le chef emploie à la copie de ses rapports, se déclare convaincu que tout homme est placé, dès sa naissance, sous la surveillance d’un démon plus ou moins influent et habile, mais toujours présent : il voit ces êtres infernaux, suppute leurs mérites et leurs défauts et n’a point peur d’eux ; car son « diable-gardien », à lui, l’avertit de ne point se frotter à ceux dont le mauvais ange est doué d’une puissance supérieure à la sienne… Telle était la religion de Pillé ; ses camarades le traitaient d’imbécile et ne lui ménageaient pas les quolibets[3].

De toutes ces aberrations, celle de la « vieille maman Théot » était la plus singulière : le hasard avait bien servi Vadier en lui révélant l’existence

  1. Mémoires de Sénar, 180, et Vilate, Les Mystères de la Mère de Dieu dévoilés.
  2. Mémoires de Fiévée. Édition Lescure, 160.
  3. Débats du procès instruit par la haute Cour de justice, séante à Vendôme, contre Drouet, Babœuf et autres, recueillis par des sténographes, tome III, 202 et s. Interrogatoire de Pillé.