Page:Lenotre - Robespierre et la « Mère de Dieu », 1926.djvu/116

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

fleur de lys gravée sur l’aiguille d’une pendule, pour une couronne imprimée sur la couverture d’un livre ; quand on tremblait au bruit d’un fiacre roulant sur le pavé, au heurt du marteau sur la porte, au pas d’un inconnu montant l’escalier ; quand on n’osait plus ni se coucher, ni sortir, ni parler, ni ouvrir un journal, de peur d’y lire, à la rubrique Tribunal révolutionnaire, le nom d’un ami ou d’un parent quitté la veille, pris, jugé, condamné, égorgé en vingt-quatre heures, – « torture de l’enfer, disait un contemporain, qu’il faut avoir éprouvée pour la comprendre », – quand ils n’en pouvaient plus du harcelant cauchemar, les pauvres gens que la Terreur rendait fous et privait du réconfort de la prière, accouraient chez la voyante de la rue Contrescarpe : celle-là, du moins, leur prédisait « qu’ils seraient préservés » ; elle leur parlait de bonheur et de paix, de jeunesse perpétuelle, d’immortalité… Ne pas mourir ! Chimère reposante et délicieuse en cette détresse où, partout, on se heurtait à la mort. Le taudis de la mère Catherine valait pour ces hallucinés les plus belles cathédrales, et les momeries auxquelles ils s’astreignaient leur entr’ouvraient un pan d’azur.

Tout en restant sur la chaise, les mains jointes, la mine confite, Sénar scrutait du coin de l’œil les arrivants. Il regardait une superbe brune, jeune, fraîche, qui se tenait près de la Mère et paraissait être de la maison : on la nommait la Colombe. Héron ne perdait rien non plus de ce qui se passait autour de lui : il remarqua que l’homme à la redingote blanche, après l’avoir fixé attentivement, s’approcha de la Sibylle, lui parla à l’oreille et