Page:Lenotre - Robespierre et la « Mère de Dieu », 1926.djvu/126

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

son fils bien-aimé et qu’il devait tenir un rôle dans la cérémonie du grand coup du septième sceau. Au surplus, il suffisait de prêter à rire en traçant un tableau burlesque qui fît pendant à la pompeuse homélie du prédicateur de l’Être suprême. Ces fariboles coûteraient la tête à la nouvelle Ève de la rue Contrescarpe et à une vingtaine au moins de ses ouailles ; mais puisque l’immortalité leur était conférée, l’inconvénient était minime et Vadier ne s’arrêtait pas à ce détail. Il voulait venger Voltaire, vertement crossé par l’Incorruptible dans son récent discours, et permettre aux esprits forts, sectateurs de l’auteur du Dictionnaire philosophique, de faire front contre la phalange des fervents de Rousseau, dont Robespierre se disait le disciple et l’apôtre.

On a voulu voir dans la guerre sourde dès lors engagée entre le Comité de salut public où dominait Robespierre et le Comité de sûreté générale personnifié par Vadier, un tardif regain du vieil antagonisme qui naguère divisa Voltaire et Rousseau. Les deux grands destructeurs se retrouvaient en présence dans la personne de leurs partisans, appliqués à mettre en pratique leurs théories. La lutte des Comités n’a point cette ampleur : l’aristocrate Voltaire eût été très peu flatté d’un suppléant tel que Vadier, ergoteur de goût médiocre, à en juger par son éloquence débraillée. Quant à l’ombrageux Rousseau, si, pour son malheur, il avait vécu jusqu’à l’époque de la Terreur, il est bien probable que Robespierre lui aurait tressé moins de couronnes ; deux hommes d’un caractère si difficile n’étaient point faits pour s’accorder : il fallait