Page:Lenotre - Robespierre et la « Mère de Dieu », 1926.djvu/134

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de la divinité ; jamais sa parole n’est aussi chaude, sa pensée aussi claire : plus d’ambiguïtés, de sournoiseries, de réticences, d’insinuations perfides et volontairement obscures. Pages trop rares qui, comme l’éclair dans la nuit opaque, donnent l’illusion d’une lueur sur cette âme énigmatique et ténébreuse. Quoique l’ombre s’épaississe après ce rapide coup de lumière, il semble bien qu’on ne peut mettre en doute la sincérité de l’instinct religieux chez l’homme qui parlait ainsi. Sans doute, il y a là-dedans beaucoup de réminiscences du Vicaire savoyard ; mais il y a aussi une conviction profonde, car on la retrouve dans l’intimité de sa vie telle qu’elle apparaît en ces instants de courageux abandon. Dans le récit charmant qu’elle a laissé de ses innocentes amours, la plus jeune des filles du menuisier Duplay, Élisabeth, a conté comment elle prenait l’hôte de ses parents pour confident de ses peines. Elle le considérait comme un frère aîné, d’une bonté, d’une indulgence, d’une délicatesse toujours en éveil ; il la consolait en lui parlant du bon Dieu, – qu’il appelait l’Être suprême. – « Que de fois, écrit-elle, il m’a grondée de ce que je semblais ne pas y croire avec la même ferveur que lui ! Il me disait : « Tu as tort, tu seras malheureuse… Tu es bien jeune encore, Élisabeth ; pense bien que c’est la seule consolation sur la terre[1]. » On comprend ainsi combien, dans le dévergondage ambiant de toutes les traditions, l’écroulement de toutes les croyances, cette attitude dont il faisait montre attirait à Robespierre de

  1. Stéphane Pol, Autour de Robespierre : le conventionnel Le Bas, 150.