Page:Lenotre - Robespierre et la « Mère de Dieu », 1926.djvu/141

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artisans, des travailleurs, des journaliers, des manœuvres, des commères, dont tout le temps est accaparé par la préoccupation du gain quotidien et qui n’ont d’autres moyens d’information que les propos échangés de porte à porte, entendus sur le chantier, à l’atelier, au lavoir, recueillis chez les concierges et les fournisseurs ou dans la queue, à la porte des boulangers. Peut-on évaluer la quantité de bourdes, d’idées fausses, de racontars extravagants, de niaiseries, d’énormités, de ragots, de sottises qui circule dans cette population, condamnée par son incompétence à ne rien démêler des événements, et qui s’en entretient pourtant avec l’assurance dogmatique de la parfaite ignorance ? Imagine-t-on l’idée que ces simples se forment de Robespierre, qu’ils n’ont jamais vu, aux discours duquel ils ne comprendraient pas un mot, mais dont le nom leur est cher, pourtant, comme étant celui d’un Messie qui s’intéresse à leur sort, les aime et s’occupe à leur faire des rentes ? Tous savent, – car la légende s’est propagée, – qu’il demeure chez des ouvriers comme eux, qu’il vit dans le bruit du rabot et des scies, et ils se le représentent comme un homme très savant, certes, mais tout rond, parlant franc, expansif, familier, le cœur sur la main. Sa popularité est faite de ces illusions et toute sa force repose sur la crédulité d’une foule, toujours croissante, de naïfs.

Lui, depuis plus de vingt mois, habitait chez Duplay où le hasard l’avait conduit et dont le logis était devenu, de par son séjour, une sorte de grand quartier général de la Terreur. Quoique les dispositions