Page:Lenotre - Robespierre et la « Mère de Dieu », 1926.djvu/164

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les somptueux préparatifs agitent Paris d’une émotion qui se répercute dans les provinces et jusqu’à l’étranger. Ainsi Robespierre aura tout conçu, tout conduit, et il sera frustré du succès ! Un autre profitera de son œuvre ! Lui, inaperçu dans les rangs de ses six cents collègues, il lui faudra entendre les vivat qui salueront son remplaçant indigne ! Quelle déception douloureuse ! Quel nouveau coup du sort acharné ! L’Être suprême, pour lequel il avait tant fait, lui devait le miracle d’une revanche. Elle ne tarda pas.

Ce même jour du 4 prairial, – vendredi, 23 mai, – vers neuf heures du soir, une jeune fille, assez jolie, vêtue en petite ouvrière élégante, entra sous le porche de la maison Duplay. Éléonore montait la garde dans la cour, assistée de son voisin, le serrurier juré Didiée, du peintre Châtelet, lui aussi juré au Tribunal, et de Boullanger, compagnon joaillier, second aide de camp de Hanriot, le général commandant l’armée révolutionnaire. Les Jacobins chômaient ce soir-là et Robespierre devait être chez lui ; l’inconnue demanda à le voir : Éléonore répondit qu’il était absent. Alors la jeune ouvrière, ne dissimulant pas sa déception, bougonna « qu’elle le cherchait depuis trois heures ; n’était-ce pas le devoir d’un fonctionnaire public de se tenir à la disposition de tous les citoyens ? » Ces propos parurent irrévérencieux ; l’aide de camp et les deux jurés l’empoignèrent pour la conduire au Comité de sûreté générale. En chemin, ils la firent parler : elle dit que, dans le temps, quand on se présentait chez le Roi, on entrait tout de suite ; et comme l’un des hommes observait qu’elle semblait regretter les