Page:Lenotre - Robespierre et la « Mère de Dieu », 1926.djvu/167

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N’importe ! Robespierre gagnait sur Collot la partie : quand, le samedi matin, le bruit courut dans Paris que l’Incorruptible venait d’être la victime d’une « nouvelle Corday », l’émotion fut intense ; il n’était pas plus blessé que son collègue ; pourtant, dans cette joute entre assassinés, il remportait hautement la palme ; son cas surpassait l’autre en mystérieux et en romanesque, et le 6 prairial au soir, à la séance des Jacobins, ce fut triomphal[1]. Collot venait, une fois de plus, de raconter son aventure, enjolivée de détails héroïques et de harangues à la Tite-Live ; on avait, d’acclamation, proclamé Jacobin le brave Geffroy, quand Robespierre fit son entrée. Le président Voulland, – l’un du Comité de sûreté générale, – se jeta dans ses bras et, lorsque l’illustre victime prit la parole, ce fut avec un tact, une modestie qui touchèrent profondément les cœurs. Loin de relater, comme l’autre, son assassinat, – auquel, du reste, il n’avait pas assisté, – il ne voulut l’envisager que sous le point de vue de l’intérêt public et discourut en homme déjà mort : « Jamais les défenseurs de la liberté n’ont cru devoir vivre pendant une longue suite d’années ; leur vie est incertaine et précaire… Moi qui ne crois point à la nécessité de vivre, mais seulement à la Vertu et à la Providence, je me trouve placé dans l’état où les assassins ont voulu me mettre… Le fer des assassins m’a rendu plus libre et plus redoutable pour tous les ennemis du peuple… Français, reposez-vous sur nous d’employer

    Tribunal révolutionnaire, qui reproduit in extenso les interrogatoires de Cécile Renault.

  1. Aulard, La Société des Jacobins, VI, 146.