Page:Lenotre - Robespierre et la « Mère de Dieu », 1926.djvu/187

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somptueusement. Entre quatre cornets d’abondance figurait sur ce char l’image assise de la Liberté tenant à la main une massue ; on avait, pour plus de solidité, gainé d’un cylindre de fer blanc le chêne qui l’abritait[1]. La Convention entourait le char ; elle marchait en groupe compact, sous la protection d’un ruban tricolore « porté par l’enfance ornée de violettes, l’adolescence ornée de myrtes, la virilité ornée de chêne et la vieillesse ornée de pampres ». Chacun des représentants tenait à la main un bouquet ; maugréant contre ces simagrées, ils avançaient indocilement et acceptaient mal les consignes établies par David qu’on voyait, très affairé, parcourant toute la colonne, veillant au bon ordre, maintenant les distances, agitant son chapeau à plumes en criant : « Place au délégué de la Convention[2] ! » Il y avait aussi le char des aveugles qui chantaient un hymne à la divinité. Un corps de cavalerie fermait le cortège.


LE CHAR DE L’AGRICULTURE À LA FÊTE DE L’ÊTRE SUPÊME
Dessin de la collection Destailleurs
Cabinet des Estampes.

Robespierre, à vingt pas en avant de ses collègues, attirait tous les regards.

Un écrivain qui, quarante ans plus tard, se souvenait d’avoir vu l’imposant défilé, a conté que son père, l’ayant amené là, lui toucha l’épaule, disant : « Tiens ! voilà Robespierre ; c’est celui qui marche seul… » L’enfant regarda : il vit un petit homme à figure pâle, sèche et grave ; il allait à pas mesurés, son chapeau à la main, les yeux baissés ; sa démarche composée, et parfois incertaine, témoignait

  1. Sur la confection et l’ornementation du char, v. les mémoires de Montpellier, sculpteur figuriste, de Bouillé, menuisier, de Rigoulot, charron, de Thelen, sculpteur en ornements. Archives nationales, F4 et 2090 et 2091.
  2. É.-J. Delécluze, Louis David, son école et son temps, 8.