Page:Lenotre - Robespierre et la « Mère de Dieu », 1926.djvu/190

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défilé dont l’allure est réglée sur la lenteur de l’énorme char où oscille l’arbre de la Liberté. Le parcours est long par le pont de la Révolution, la berge, la place des Invalides et l’avenue de l’École militaire que termine un arc de triomphe en forme de niveau, sous lequel tous passent avant de pénétrer dans le Champ de la Réunion.

Le spectacle fut merveilleux : quand les députés, les chanteurs, les musiciens, amenés certainement en voiture, eurent gravi les sentiers escarpés et les escaliers conduisant au sommet de la montagne ; quand les divers groupes se furent rangés en cercle autour de la colline emblématique, dominant l’immense arène, le puissant orchestre préluda et les chœurs attaquèrent la noble composition de Désorgues et Gossec, Père de l’univers… dont l’effet, dit-on, fut grandiose, pour ceux du moins qui se trouvaient à proximité de la montagne, car, dans ce grand espace, les sons n’arrivaient que par bribes à la foule. On peut croire aussi que la tenue des figurants eux-mêmes dut parfois, au cours d’une cérémonie aussi longue, manquer de solennité : plus d’un citoyen, couronné de chêne, tira de sa poche une pipe qu’il fuma discrètement ; plus d’une vierge, « parée de fleurs du printemps », avait dans son réticule du pain et du saucisson, et le nombre fut certainement grand des vieillards chargés de pampres qui dissimulaient une chopine de vin afin de boire un coup et de se donner des jambes. On a, sur ces détails vulgaires, que David n’avait pas prévus, un seul témoignage : c’est celui de deux aristocrates, la mère et la fille, qui, par prudence, s’habillèrent de blanc, se munirent d’un bouquet de