Page:Lenotre - Robespierre et la « Mère de Dieu », 1926.djvu/244

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que les méchants méditent de l’exclure du Comité : « Si l’on me forçait à renoncer à une partie des fonctions dont je suis chargé, il me resterait encore ma qualité de représentant du peuple, et je ferais une guerre à mort aux tyrans et aux conspirateurs[1]. »

Que de telles paroles pussent être prononcées ; qu’un membre du gouvernement osât ainsi prêcher la révolte et le fît impunément, voilà qui permet de discerner de quel côté soufflait la Terreur. Robespierre, d’après un paradoxe actuellement en cours, succomba pour avoir tenté d’abattre l’échafaud. C’est sa clémence qui l’aurait perdu. Or, jusqu’à son dernier jour, qui est proche, il ne cessera de préconiser et de perfectionner la bienfaisante institution du Tribunal révolutionnaire, peuplé de ses créatures ; il le surveille et le dirige. Depuis qu’il s’est éloigné du Comité et qu’il donne tous ses soins au bureau de police, les hécatombes ont décuplé ; en ce mois de messidor, aidé par son compatriote Hermann, qu’il a fait commissaire des administrations civiles, police et tribunaux, il s’occupe de vider les prisons, et Fouquier se voit obligé de refuser l’ouvrage[2]. Pourtant Robespierre n’est pas féroce à la façon des Carrier et des Le Bon : il a horreur du sang ; son impressionnabilité nerveuse l’éloigne de tout spectacle tragique : on ne l’a vu ni au 10 août, ni en septembre ; il est douteux que, comme tant d’autres, il soit allé, même une fois,

  1. Aulard, La Société des Jacobins, VI, 193.
  2. À l’occasion de la prétendue conspiration du Luxembourg, on voulait obliger Fouquier à juger 156 accusés à la fois. Il obtint qu’on les expédierait en trois fournées, – 60 le 19 messidor, 50 le 21, 46 le 22. V. Moniteur du 23 thermidor, réimpression, XXI, 138.