Page:Lenotre - Robespierre et la « Mère de Dieu », 1926.djvu/31

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écouta d’un air de bonté. Tous deux devaient se rencontrer un jour…

À l’époque des vacances qui, chaque été, ramenaient Robespierre à Arras pour deux mois, il retrouvait sans doute sa petite chambre à la brasserie Carrault[1] ; mais c’est chez le charitable chanoine Aymé qu’il prenait ses repas. Ce qui confond, ce qui demeure inexplicable, c’est que, en juillet 1771, son père, disparu depuis près de trois ans, venait de se réinstaller à Arras où il séjourna plusieurs mois ; ayant repris sa place au barreau, il plaida dix-sept affaires[2]. Il paraît invraisemblable qu’il ne vît pas ses enfants. Charlotte Robespierre s’étendra plus tard en termes émus sur les grandes joies que lui procuraient les vacances et taira soigneusement son propre séjour à l’hospice où elle passa onze années[3], pourtant elle ne soufflera mot de ce retour de son père, qu’elle assure « n’avoir jamais revu depuis la mort de sa mère ». Quel secret cachent ses restrictions sur des faits très frappants pour une fille qui se peint si affectueuse et si sensible ? À quel mobile, à quelle consigne obéissait donc ce père intermittent ? N’était-il pas de ces « voyageurs inconnus », dont parle Louis Blanc, « qu’on voyait séjourner dans les villes à l’approche

  1. À moins que, par charité, ou dans l’espoir peut-être d’attirer à la vie religieuse l’orphelin sans ressources, on ne le logeât chez les PP. Capucins qui occupaient à Arras un vaste couvent, près l’ancienne porte d’Hagerue. (Deramecourt, ouv. cit., I, 189.) Cette hypothèse appuierait une tradition, dont on n’a pu vérifier la valeur et d’après laquelle Robespierre aurait été novice chez les Capucins d’Arras. Ce séjour au monastère fut certainement très court et ne peut se placer que durant les vacances de Maximilien, au temps de ses études à Louis-le-Grand.
  2. A. Lavoine, Avenir d’Arras et du Pas-de-Calais, 17 février 1914.
  3. J.-A. Paris, p. 18 et 37.