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culotte de nankin ; ses bas de coton blanc sont rabattus sur ses talons.


ROBESPIERRE BLESSÉ
Exposé dans l’anti-salle du Comité de Salut-public.
Œuvre originale de Chaudet (1763-1810).
Collection de M. Henri Lavedan, de l’Académie Française.


Au bout d’une heure, il rouvre les yeux ; sa blessure saigne abondamment ; il l’étanche de temps à autre au moyen d’un petit sac de peau blanche qu’il avait gardé dans sa main, – l’étui de son pistolet, bien probablement[1]. Autour de la table, où il repose comme un objet de curiosité, une foule sarcastique, – ses courtisans d’hier, – observe ses moindres mouvements. Beaucoup l’injurient ou le raillent. Il les regarde fixement, surtout les employés du Comité qu’il reconnaît. Quelques-uns, pris de pitié, lui mettent entre les doigts du papier, faute de linge, pour qu’il essuie sa blessure ; parfois, agité de secousses convulsives, il lève les yeux vers le plafond. Le jour paraît, éclairant la splendeur des jardins qui ont vu sa gloire ; l’aube embrasée présage une journée plus chaude que la précédente. Vers cinq heures du matin, un médecin militaire, qui passait, fut invité à panser le blessé ; il s’adjoignit le chirurgien major des grenadiers de la Convention ; tous deux lavèrent le visage, très enflé et meurtri jusqu’aux yeux ; la joue gauche était percée, à un pouce de la commissure des lèvres ; ils retirèrent de la bouche plusieurs dents et des fragments de la mâchoire brisée, ne découvrirent « ni la balle, ni trace de sa sortie » et, « vu la petitesse de la plaie conclurent que le pistolet n’avait été chargé qu’à plombs[2] ».

  1. Cet étui portait le nom et l’adresse d’un armurier de la rue Saint-Honoré.
  2. Rapport des officiers de santé sur le pansement des blessures de Robespierre. Deuxième rapport de Courtois, XXXVII, 120.