Page:Lenotre - Robespierre et la « Mère de Dieu », 1926.djvu/339

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« Le peuple serait bien heureux s’il n’avait pas tant d’amis ! »

La fin tragique a été contée mille fois : le transport sur un fauteuil[1], depuis les Tuileries jusqu’à la Conciergerie ; un enfant qui sortait de l’école rencontra sur le Pont-Neuf l’effrayant cortège : les porteurs, pour souffler, avaient déposé leur fardeau à l’entrée du quai des Lunettes, vis-à-vis l’esplanade où se trouve la statue d’Henri IV. La foule huait le blessé qui, la tête enveloppée d’une serviette tachée de sang, à chacune des vociférations, tournait les yeux vers l’endroit d’où partaient les cris et y répondait par un haussement d’épaules[2]. À la vieille prison, où son entrée apportait l’espérance et le salut, on le jeta dans un cachot en attendant le jugement ; « les guichetiers le foulaient aux pieds[3] ». Il parut se réveiller d’un long rêve[4] ; fit signe, dit-on, qu’il voulait écrire ; un geôlier riposta par un sarcasme[5]. Quelle confidence aurait-il faite ? Quel secret tenait-il à révéler ? Voulait-il gagner du temps, maudire une dernière fois ses ennemis, ou, qui sait ? implorer l’absolution d’un prêtre ?…

Au tribunal, l’audience fut dramatique mais courte. On n’avait encore sous la main que vingt-deux des conjurés ; tous étant hors la loi, il suffisait

  1. Ce fauteuil serait aujourd’hui à la Comédie-Française. V. Le Figaro du 25 janvier 1891.
  2. Charles Maurice, Histoire anecdotique du théâtre et de la littérature.
  3. Riouffe, Mémoires d’un détenu, 2e édition, 76.
  4. Idem.
  5. Nougaret, Histoire des prisons, IV, 312.