Page:Lenotre - Robespierre et la « Mère de Dieu », 1926.djvu/353

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Charlotte Robespierre en est un frappant exemple : elle a laissé des Mémoires souvent cités ; elle y couvre de fleurs la mémoire de son frère Maximilien ; elle lui attribue toutes les vertus. Elle dit son désespoir à la nouvelle des événements de thermidor : « Je m’élance dans les rues… Je cherche mes frères ; j’apprends qu’ils sont à la Conciergerie ; j’y cours, je demande à les voir ; je le demande à mains jointes ; je me traîne à genoux devant les soldats… Ils me repoussent… » etc. Ce tableau navrant ressemble peu à la réalité, car, loin de réclamer Maximilien et Bonbon, Charlotte, à l’annonce de leur arrestation, avait fui son logement de la rue Saint-Florentin et gagné, rue du Four-Honoré, la maison d’une citoyenne Béguin, chez qui elle se cacha sous le nom de Carrault, celui de son grand-père, le brasseur d’Arras. On l’arrêta là, le 13, et tout de suite elle protesta que « chassée par ses frères, elle avait failli être leur victime » ; si elle se fût doutée « du complot infâme qui se tramait, elle l’eût dénoncé plutôt que de voir perdre son pays ». Et la femme Béguin dévoile sans ménagement tout ce que Charlotte lui a conté, de la maison des « infâmes Duplay », des visites fréquentes de Fouquier-Tinville, de la façon dont s’y dressaient les listes de condamnés[1]. On s’est étonné que le Directoire, le gouvernement impérial, celui de la Restauration gratifiassent d’une pension Charlotte Robespierre : ils payaient son reniement : faire attester par la sœur de l’Incorruptible que celui-ci était un monstre, voilà qui valait bien une rente

  1. Archives nationales, F7 477494.