Page:Lenotre - Robespierre et la « Mère de Dieu », 1926.djvu/370

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de tout culte, de toute religion, de toute croyance. Sur un seul point il se révélait prolixe : c’était la journée du 27 prairial de l’an II, sa journée de triomphe, la grande victoire de son sarcasme sur le fanatisme : « Quand je découvris le pot aux roses de la mère Théos… », dit-il un jour. Sur ce début, Amar prit son chapeau et s’en alla. « Tu te sauves ! » cria de sa voix fêlée le persécuteur des mystiques. Amar avait refermé doucement la porte ; Vadier, continuant, racontait comment Robespierre tournait au cagotisme et voulait se faire grand prêtre. « Nous le savons bien ; tu nous l’as déjà dit cent fois ! » interrompait Lindet exaspéré. Mais rien n’arrêtait le vieux voltairien ; il se redressait, malgré sa goutte : « Quand ze leur ai fait mon rapport… voyez-vous !… le fanatisme il a été abattu du coup… il en avait pour longtemps à se relever… Et Rovespierre ! anéanti ! fini ! Ze l’ai abîmé ! » Et il se replongeait dans son fauteuil avec une indicible joie.

Ce qu’ignorait l’écrivain qui, enfant, avait entendu ces choses, c’est que, dès la Restauration venue, l’irréductible athée, rentré dans son grand domaine de l’Ariège, et rédigeant son testament, commençait : « Après avoir adoré le souverain Créateur de tous les êtres, imploré sa miséricorde pour le salut de mon âme… » ; et il terminait le long énoncé de ses dernières volontés par une prière[1]. Quand, exilé comme régicide, il mourut pieusement

  1. « C’est à la reconnaissance de mes enfants, à leur équité, que j’adresse ce dernier vœu ; je prie le ciel que ce ne soit pas en vain. » A. Tournier, Vadier, président du Comité de sûreté générale, 308 à 316.