Page:Lenotre - Robespierre et la « Mère de Dieu », 1926.djvu/54

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que rompent, dès qu’il s’est tu, de longues protestations d’amour et de vénération ; puis on voit le garde des sceaux, en simarre violette et cramoisie, se diriger vers le trône, mettre un genou en terre pour prendre les ordres de Sa Majesté, et revenir « à reculons » vers son tabouret[1]. Il lit quelque chose qu’on n’entend pas, et M. Necker, directeur général des finances, commence son rapport : une heure, deux heures, trois heures et plus, on entendra sa voix, puis celle de l’assistant qui le relève dans cette pénible tâche[2], énoncer des nombres, aligner les millions, parler primes, tabac râpé, anticipation, caisse d’escompte, pensions, régies…

Au bout d’une heure, déjà, une terrible fatigue pèse sur l’assistance ; l’attention la plus appliquée s’égare dans ce dédale de chiffres et d’évaluations. À quoi songent-ils ceux qui sont là, obligés de garder une contenance intéressée et approbative ? On imagine le Roi regrettant sa chasse manquée ; la Reine inquiète, redoutant la chute du dais couronnant l’estrade où se tient la Cour ; elle a su, par hasard, que l’énorme poids de ce baldaquin est en disproportion avec la légèreté de la charpente qui le soutient [3], et elle a recommandé « de bien prendre garde : le moindre craquement pourrait

  1. Lettre d’un député breton, citée plus haut.
  2. « M. Coster, l’un de ses premiers commis », écrit le député breton qui, sur ce point est mal renseigné. C’est B. Broussonet, secrétaire perpétuel de la Société d’agriculture qui donna lecture de la plus grande partie du rapport de Necker, Moniteur, réimpression, I, 5.
  3. Ce dais pesait 1.857 livres ; il avait servi à Reims, lors du sacre du roi. Aux Archives nationales est conservé un dossier intitulé : – « Craintes de la part des Menus-Plaisirs, relativement au poids du dais fourni par le garde-meuble. » Brette, I, 28, n. 2.